Biréli Lagrène n’a jamais été un simple gardien du temple du jazz manouche. Au contraire, dès son adolescence, il a déclaré son amour pour le jazz américain et s’est approprié le vocabulaire des grands maîtres comme George Benson, Wes Montgomery ou encore Miles Davis. Et c’est avec une complicité musicale rare qu’il a collaboré avec Jaco Pastorius, le légendaire bassiste de jazz fusion, un partenariat marquant qui reste gravé dans l’histoire du jazz moderne.
On retrouve l’influence de la jazz fusion dans son utilisation des harmonies sophistiquées, des rythmes complexes et de sa technique de jeu fluide. Dans des albums comme "Front Page" (1991), réalisé avec Dominique Di Piazza et Dennis Chambers, Biréli plonge pleinement dans l’univers de la fusion. Les sonorités électriques, le groove percutant et l’échange libre entre musiciens montrent à quel point ce style l’a marqué.
Le rock et le blues, bien que souvent dissociés du jazz manouche, ont eu une influence indéniable sur le jeu de Biréli. À plusieurs reprises, il a mentionné l’impact de guitaristes comme Jimi Hendrix ou Eric Clapton sur son propre parcours musical. Ce n’est pas un hasard si, dans plusieurs de ses concerts, on peut entendre des reprises de standards du rock comme "Hey Joe" ou encore des improvisations aux accents blues.
Sur scène, on retrouve également des phrases typiques du blues intégrées à ses solos, créant un fascinant mélange entre les lignes harmoniques du jazz et l’intensité expressive du blues. Son jeu sur guitare électrique démontre sa capacité à faire vibrer des univers différents tout en restant fidèle à son identité musicale.
Si l’héritage manouche de Biréli Lagrène trouve ses racines dans les œuvres de Django Reinhardt, son amour pour la musique classique transparaît également de façon subtile mais significative. La musique classique, qu’il a étudiée dès son plus jeune âge, a enrichi sa compréhension de l’harmonie, de la structure et du phrasé mélodique complexe.
Dans certains de ses morceaux acoustiques, comme ceux de l’album "Gipsy Project", on peut percevoir l’empreinte de compositeurs classiques. Ses adagios, par exemple, rappellent parfois les œuvres de Debussy ou Ravel, grâce à un sens de la sophistication harmonique et de l’émotion retenue. Ces influences classiques lui ont donné une profondeur et une diversité qui renforcent chaque aspect de son jeu.
Biréli Lagrène n’a pas seulement puisé dans la culture européenne ou américaine ; il a également embrassé des sonorités venues d’autres horizons. La musique latine, avec ses rythmes riches et syncopés, est un des exemples les plus frappants. Lorsqu’on écoute son interprétation de morceaux influencés par la bossa nova ou les rythmes cubains, il est évident qu’il possède une affinité naturelle pour ces grooves chaleureux et vivants.
Dans ses collaborations avec d’autres musiciens, notamment des percussionnistes, il démontre une sensibilité poussée pour les rythmes du monde, qu’il intègre souvent avec élégance dans ses compositions et improvisations. Ces influences apportent une dynamique unique à son jeu et montrent son ouverture d’esprit face aux formes musicales internationales.
Enfin, il ne faut pas négliger l’influence discrète mais bien présente de la musique pop contemporaine dans l’œuvre de Biréli Lagrène. Bien qu’issu d’un environnement jazz exigeant, Biréli comprend le pouvoir universel des mélodies simples et des structures plus accessibles. Cela peut être perçu dans certaines de ses interprétations au phrasé épuré et dans ses choix de reprises issues du répertoire populaire. Cette dimension lui permet de toucher un public plus large tout en montrant que virtuosité et simplicité peuvent cohabiter harmonieusement.
Ce qui caractérise réellement Biréli Lagrène, c’est sa capacité à explorer et digérer toutes ces influences pour en faire quelque chose de totalement personnel. Peu de musiciens parviennent à jongler avec autant de styles tout en restant reconnaissables en quelques notes. Biréli, lui, l’a fait avec une facilité déconcertante.
On pourrait continuer encore longtemps sur toutes les nuances de son jeu – ses incursions dans le funk, son attrait pour les ballades intimistes, ou encore son exploration des musiques expérimentales. Mais ce qui ressort clairement, c’est que Biréli Lagrène est un musicien sans frontières. Ses influences dépassent le cadre du jazz manouche et construisent un univers où chaque style devient une pièce du même puzzle. Cet éclectisme, cette ouverture d’esprit et cette insatiable curiosité font de lui une figure emblématique non seulement du jazz, mais de la musique dans son ensemble.
