Qui est aujourd’hui, l’enfant prodige que fut Biréli Lagrène ?
Un merveilleux musicien, un magicien de la guitare parmi les plus éblouissants, un “chorégraphe” de la six-cordes comme on les compte actuellement sur les doigts d’une main.
Biréli Lagrène est un guitariste de jazz manouche, né le 4 septembre 1966, en Alsace, dans la commune de Soufflenheim. Issu d’une famille de culture manouche, il apprend auprès de son frère et de son père le répertoire de Django Reinhardt.
D’emblée, la musique fut son langage, et celle de Reinhardt son école. Destinée inévitable quand l’on naît, comme lui, en Alsace (en 1966), que l’on est issu de la grande famille manouche, et que la chance vous désigne comme un surdoué en la matière.
Esprit vif-argent, Biréli pigera très vite l’histoire. Au-delà de la rigueur qui fut celle de son apprentissage (avec son père, puis avec son frère), de ce mélange inouï de force et de précision, Lagrène aura la grâce insigne de ne jamais négliger l’essentiel : “Django m’a aidé à aller voir ce qui se passe ailleurs ”, aime-t-il à rappeler.
De cette formidable leçon de liberté, qu’il sut capter comme aucun autre, ses premières grandes prestations publiques (notamment à Montreux, en 1981 LINK) offrent un témoignage saisissant.
Le jeune Lagrène devient rapidement un virtuose de la guitare et rencontre Stéphane Grappelli, un illustre violoniste de jazz du 20ème siècle. Outre les concerts avec le violoniste, au cours de son adolescence, Biréli prend part à quelques tournées en compagnie d’artistes de renom comme Benny Carter, le contrebassiste danois Niels-Henning Ørsted Pedersen, et bien d’autres encore.
Son style évolue au fil des années et de ses rencontres. A ses débuts, la touche Reinhardt se fait ressentir, mais assez rapidement le jeune guitariste découvre de nouveaux horizons avec des musiciens tels que Jimi Hendrix et George Benson, et un nouveau courant musical le jazz fusion.
Sa rencontre avec le bassiste américain Jaco Pastorius, en 1985, l’invite à s’améliorer en tant que bassiste, instrument sur lequel Biréli peut jouer parfois en concert. Quatre années plus tard, il forme en compagnie de Larry Coryell et de Al di Meola un trio de guitaristes hors pair.
Du côté de ses albums, Biréli Lagrène s’essaie à plusieurs univers, une période acoustique avec l’album Acoustic Moments en 1990, une époque jazz fusion avec les albums Inferno et Foreign Affairs en 1988 et 1989, et une réinterprétation des standards de jazz en 1992 avec l’album Standards. A nouveau en 1994, il compose un trio avec cette fois-ci Chris Mink Doky et André Ceccarelli, l’ancien batteur des Chats Sauvages.
Les années 90 seront pour Biréli celles de la reconnaissance et de la consécration, obtenue en jouant les standards (“Live in Marciac”, 1994). Vertu du classicisme (puisque Lagrène possède, aussi, cette carte-là en stock).
Django d’Or en 1993, Victoire de la Musique en 2001 et en 2002, Biréli collectionne les trophées, et relève à l’aube des années 2000 un incroyable défi : rejouer la musique de ses origines, tout en demeurant lui-même. A ce jeu habituellement dangereux, il est (seul, face au miroir) l’un des rares à ne pas sombrer dans l’écueil du narcissisme.
Exercice de haute voltige et prouesse véritable, l’épopée du “Gipsy Project” est un triomphe (qui culmine avec un “Live à Vienne” absolument décoiffant). La boucle est donc bouclée, et le moment venu pour l’un des plus grands guitaristes de ce temps d’aller vers de nouveaux rivages. Nouvelle formule, nouvelle inspiration et nouvelle musique à explorer, plus proche du blues, pour un homme définitivement “en mouvement”.
En 1999, en collaboration avec le guitariste Sylvain Luc, il travaille sur l’album Duet. Gipsy Project signe le retour de Biréli à ses premiers émois. L’année 2006 connaît deux albums du guitariste manouche, mais dans des registres différents pour lui, To Bi Or Not To Bi un album solo et Djangology en compagnie du WDR Big Band.
Retour au jazz fusion en 2008 avec l’album Electric Side. Cet album reprend quelques-unes de ses compositions avec la collaboration d’un DJ. En 2009, Gipsy Trio marque son retour au jazz manouche avec des collaborations déjà épurées, notamment le contrebassiste Diego Imbert, le guitariste Hono Winterstein et au saxophone Franck Wolf.
En 2012, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, le décore Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, récompense qui consacre Biréli Lagrène dans son domaine artistique de prédilection, la musique.
Depuis 2015, Lagrène alterne entre le Gipsy Project et le quartet d’Antonio Farao.
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Discographie de Biréli Lagrène
Année | Album | Note | |
---|---|---|---|
1980 | Routes To Django – live At The Krokodil (Jazzpoint) | ||
1980 | The One And Only, together with Jimmy Rosenberg and Angelo Debarre (Hot Club Records) | ||
1980 | Gipsy Trio | ||
1981 | Biréli Swing ’81 | ||
1981 | Down in Town | http://amzn.to/2kmRfQw | |
1982 | Fifteen (Antilles) | ||
1983 | Down In Town | ||
1984 | Live at the Canergie Hall | ||
1985 | Live with Vic Juris Inakustik | ||
1985 | A tribute to Django Reinhardt (Live at the Carnegie Hall & Freiburg Jazz Festival) 2 CD | ||
1986 | Stuttgart Aria | ||
1986 | Heavy’n Jazz (Jaco Pastorius) | ||
1986 | Special Guests (Larry Coryell, Miroslav Vitous) | ||
1987 | Inferno | ||
1988 | Foreign Affairs | ||
1988 | Mike Reinhardt Choukar | ||
1989 | Highlights | ||
1990 | Acoustic moments | ||
1992 | Standards Capitol | ||
1994 | Live in Marciac | ||
1994 | The Music of Django Reinhardt Import Bob Wilber Randy Sandke Mike Peters Biréli Lagrène | ||
1995 | My favorite Django | ||
1998 | Blue Eyes | ||
1999 | Duet, together with Sylvain Luc | ||
2000 | Frontpage with Dennis Chambers, Dominique Di Piazza | ||
2000 | A Tribute to Django Reinhardt : at the Carnegie Hall and the Freiburg Jazz Fest. | ||
2001 | Gipsy Project | ||
2002 | Gipsy Project & Friends | ||
2004 | Move | ||
2004 | Biréli Lagrène & Friends Live Jazz à Vienne (DVD). | ||
2005 | Bireli Lagrene & Gypsy Project Live in Paris DVD | ||
2006 | Djangology avec Big Band WDR de Cologne + solo To Bi or not to Bi | ||
2007 | Just the way you are | ||
2008 | Electric side | ||
2009 | Summertime, together with Sylvain Luc | ||
2010 | Djangologists with The Rosenberg Trio | ||
2012 | Biréli Lagrène (le meilleur des années Blue Note) | ||
2012 | Mouvements | ||
2015 |
MOUVEMENTS – ENTRE JAZZ, ROCK, BLUES ET SOUL, UN GRAND ALBUM LIBRE
Sans escouade d’invités, mais enrichi par orgue, tambours et saxophones, Mouvements pourrait bien être le meilleur des nombreux albums d’un virtuose de la guitare, qui aura donc mis près de trente ans à s’affranchir de l’héritage de Django Reinhardt.
Loin de l’orthodoxie jazz, Lagrène plonge avec ravissement dans des sonorités troubles, crépusculaires, puis laisse remonter à la surface sa rage, sa mélancolie, et la palette multicolore de son jeu. Il est précis comme B. B. King, élégant comme Wes Montgomery, curieux comme Hendrix et ondoyant comme Reinhardt : grand bonhomme et grand disque.
Les Inrocks – N°884 – MOUVEMENTS / Universal Music 2012
LE MEILLEUR DES ANNÉES BLUE NOTE
Dans les années 80, Biréli Lagrène s’éloigne du répertoire de Django Reinhardt, et tel le maître du jazz manouche avant lui, traverse l’atlantique. Les vibrations électriques de New York, la radicalité et l’énergie de musiciens tels que Larry Coryell ou Jaco Pastorius l’amènent alors à adopter un son plus rock.
Enthousiaste, le prestigieux label Blue Note, en pleine mutation, le signe. Composant la quasi-intégralité de l’album « Inferno », ainsi qu’une grande partie de son successeur « Foreign Affairs ». Biréli plonge avec ces deux opus au cœur d’un jazz fusion généreux et immédiat, témoin de son esprit défricheur.
Mais, face à la tentation de se laisser enfermer une fois de plus dans un style, il rentre à Paris en 1990 où, en compagnie des musiciens Vic Juris, Koono, Loïc Pontieux et Simon Pomara, il va graver le bien nommé « Acoustic Moments ».
Racé, tout en déliés virtuoses, cet album fait la transition entre passé et présent avec les morceaux Made In France, Rhythm Things et Claire Marie ou la reprise du Impressions de John Coltrane. Les doigts de Biréli se lancent ici dans des cavalcades effrénées ; il se permet même un pied-de-nez avec le morceau final Metal Earthquake.Allier naturel et dextérité. Tel pourrait être en effet son mantra.
L’année 1992 va de nouveau marqué un tournant, puisque secondé de André Ceccarelli et Niels-Henning Orsted Pedersen, il enregistre « Standards », un de ses plus beaux disques, qui revisite douze morceaux incontournables (C’est Si Bon, Stella By Starlight, Smile, Autumn Leaves, Nuages, entres autres… ) EMI compile et nous propose un triple album qui retrace à merveille le parcours atypique et multiple de Biréli Lagrène, guitariste hors-norme sans lequel le jazz actuel ne serait pas tout à fait le même (pour revivre toute l’histoire du Jazz d’hier à aujourd’hui, c’est ici).
BIRÉLI LAGRÈNE – Coffret éponyme / 3 CD – EMI 2012
GIPSY TRIO, UN TOUR DE FORCE
Voilà un de ces albums qui surgit sans crier gare et se révèle simplement époustouflant. On savait depuis longtemps que Biréli Lagrène était l’un des principaux successeurs de Django Reinhardt en matière de guitare swing, mais là, il passe à la vitesse supérieure et bouscule les lois du genre avec une virtuosité jubilatoire.
Simplement accompagné de la contrebasse du formidable Diego Imbert et de la guitare rythmique de l’impérial Hono Winterstein, il réussit le tour de force de transcender des standards usés jusqu’à la corde comme Singin’In the Rain ou Night and Day, leur donnant un swing tout aussi brillant qu’intelligent.
Son incroyable version de Lullaby of Birdland relève du mémorable. Et il réussit même à faire swinguer le ténor Roberto Alagna ! Le Monde 2 – Gipsy Trio (Dreyfus Music)